Histoire de l'Eglise romaine

Halloween : un peu d’histoire, au-delà de la peur

Dans mon enfance, on m’a appris qu’Halloween était la fête de la mort, des ténèbres et du diable. Mes parents m’ont toujours interdit de participer à cette fête et les autres familles de mon entourage chrétien n’y participaient pas non plus… sauf pour verser des seaux d’eau par la fenêtre sur les enfants qui sonnaient à leur porte, comme un jeune de mon église s’en vantait ! Aujourd’hui, comme pour beaucoup de choses de mon enfance, ma vision de cette fête a évolué. Dans cet article, qui est le fruit de mon propre cheminement sur le sujet, je reviens sur les origines historiques de cette célébration.

Des racines à la fois chrétiennes…

Le nom d’Halloween a une origine chrétienne : « All Hallow’s Eve », en vieil anglais « veille de tous les saints » ou « veille de la Toussaint ». La Toussaint est une fête religieuse catholique, célébrée en l’honneur de tous les saints de l’Eglise, connus ou inconnus. Elle correspond au 1er novembre, mais on sait que, dans la culture hébraïque de la Bible, la journée commence le soir, au coucher du soleil. Le calendrier chrétien a gardé l’habitude de célébrer les fêtes chrétiennes dès la veille au soir, par ex. la veillée de Noël.

Quelles sont les origines historiques de cette fête ? Dès le 4° Siècle, certaines églises ont commencé à célébrer une fête commémorant tous les martyrs chrétiens, à des dates différentes selon les régions. La célébration de la Toussaint le 1er novembre est documentée dès le 8° Siècle, notamment en Grande-Bretagne et en Irlande. En Europe continentale, elle a été introduite dans l’Empire franc par Charlemagne, sous l’influence d’Alcuin, puis adoptée par le pape Grégoire IV pour toute l’Eglise.

Le théologien Vincent Marty-Terrain, diplômé de la Faculté Jean Calvin, à Aix-en-Provence, a écrit une série de trois articles sur les traditions chrétiennes autour de la veille de la Toussaint. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit, mais je partage ses articles pour donner de quoi réfléchir. Vincent explique notamment que la coutume des déguisements grotesques est à l’origine une forme de satire : en ridiculisant le diable et le mal, on proclame qu’il est vaincu par la puissance de Dieu et n’a plus aucun pouvoir sur nous. A titre personnel, je ne suis pas à l’aise avec cette idée.

A notre époque, la Journée internationale de l’Eglise persécutée, organisée le premier dimanche de novembre, est une réminiscence de cette tradition.

… et païennes…

Pourquoi le 1er novembre ? Cette date correspond à une fête celtique pré-chrétienne, Samhain. Comme pour la plupart des fêtes, elle tire son origine du rythme des saisons : les tribus celtiques d’Irlande et d’Ecosse étaient des bergers, qui faisaient paître leurs troupeaux dans les montagnes pendant l’été, puis, à l’approche de l’hiver, les faisaient redescendre dans les plaines, où il faisait moins froid. Samhain marque le début de la « saison sombre » et le retour dans les plaines.

Les Celtes des îles britanniques ignoraient l’écriture jusqu’à l’ère romaine. On ne dispose donc d’aucune source directe sur Samhain. On pense que cette fête était marquée surtout par de grands rassemblements, avec des banquets et des feux de joie, ainsi que par l’ouverture des tombeaux. En effet, d’après la mythologie, Samhain était le moment de l’année où les esprits des morts revenaient sur terre, chercher l’hospitalité auprès de leurs familles. Alors, on les apaisait par des offrandes de nourriture et de boisson. La coutume des déguisements (pour imiter les esprits ou se cacher d’eux ?) n’est pas documentée, mais plausible.

La date de la Toussaint a certainement été reprise de Samhain, pour la symbolique de la commémoration des saints qui, morts en Christ, vivent éternellement auprès de lui. La veille de la Toussaint est devenue la fête de la victoire de Dieu sur le mal. La coutume de reprendre une fête païenne, pour la « réinventer » en lui donnant un sens chrétien, est courante dans l’histoire de l’Eglise.

… pour une fête surtout américaine

La fête d’Halloween, sous sa forme moderne, a pris son essor surtout sur le continent américain, à partir du 19° Siècle. Alors que les premiers colons puritains étaient hostiles à une fête catholique, elle a pris son essor avec l’arrivée de nouveau colons d’origine irlandaise, qui ont apporté avec eux à la fois des coutumes catholiques et celtiques pré-chrétiennes.

La légende de Jack-o’-Lantern, qui a inspiré les citrouilles creusées pour Halloween, date de cette époque. La coutume des légumes d’automne creusés pour célébrer la moisson est beaucoup plus ancienne. Avant la découverte de l’électricité, les navets, gourdes et autres légumes larges ont longtemps servi de supports à bougies pour ceux qui n’avaient pas les moyens de s’acheter une lanterne en métal. En arrivant dans le Nouveau Monde, les colons ont constaté que les citrouilles, potirons et courges se prêtaient spécialement bien à cet usage.

Un faux débat

Et donc, Halloween, fête chrétienne ou païenne ? Ni l’un ni l’autre !

Au-delà de l’origine d’une fête ou coutume, le plus important est pourquoi on le fait aujourd’hui.

Les enfants (et adultes) qui creusent une citrouille pour Halloween ne le font pas en pensant à Jack-o’-Lantern ou en se disant que la bougie représente une âme humaine piégée à l’intérieur d’un corps mort. Ils ne se déguisent pas non plus pour se moquer du diable afin de proclamer la victoire de Dieu sur le mal. Aujourd’hui, Halloween est devenue une fête purement séculière (et commerciale), qui n’a plus rien à voir avec ses origines chrétiennes ou païennes.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que Halloween (ou telle coutume autour de la fête) serait d’origine païenne, qu’on ouvre aujourd’hui une porte aux démons rien qu’en participant ! La plupart des personnes qui célèbrent Halloween ne savent rien de ses origines et veulent seulement s’amuser.

Alors, on fête Halloween ou pas ? A chacun de voir.

Personnellement, je suis mal à l’aise avec la manière dont cette fête est le plus souvent fêtée, en tout cas en Europe. On se déguise en monstre ou en fantôme, pour faire peur. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de célébrer ainsi le macabre et les ténèbres, et je ne voudrais pas que mes enfants le fassent. En même temps, il y a d’autres manières de célébrer Halloween. Je séjourne actuellement aux Etats-Unis, où cette fête est beaucoup plus enracinée dans la culture qu’en France, mais où les déguisements sont beaucoup plus divers et pas forcément effrayants : superhéros, personnage de manga… Là, ça me gène beaucoup moins.

En tout cas, alors que ma propre enfance a été marquée par un rejet radical de Halloween, en refusant même d’ouvrir aux enfants déguisés qui venaient sonner à notre porte, j’encouragerais aujourd’hui à plus d’ouverture, pour ne pas se couper des autres (ou se ridiculiser par des positions radicales qui n’ont pas de sens pour nos voisins incroyants), mais construire des passerelles, afin de pouvoir justement exprimer notre désaccord lorsque cela s’avèrera nécessaire. (Ah oui : offrir un traité évangélique sans aucune explication à des enfants qui n’ont pas la tête à ça, ça ne sert à rien non plus, à part à nourrir les poubelles… autant choisir quelque chose qu’ils trouveront intéressant !)

Ce soir, les enfants qui viennent sonner chez moi, je leur ouvre la porte pour passer un bon moment ensemble, même si moi-même je ne serai pas déguisé.

La Fête de la Réforme

Dans les pays protestants, une autre fête est célébrée le 31 octobre : la Fête de la Réforme, parfois proposée comme une alternative à Halloween dans les milieux évangéliques.

La nuit du 31 octobre 1517, le futur Réformateur Martin Luther, alors professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, a cloué ses 95 Thèses, qui dénoncent la pratique catholique des indulgences, sur la porte de l’église de Wittenberg. Si Luther n’avait aucune intention de rompre avec Rome, cet épisode marque la naissance du mouvement qui deviendra la Réforme protestante et restaurera dans toute l’Europe chrétienne une foi plus centrée sur la Parole de Dieu.

Martin Luther a-t-il volontairement choisi la veille de la Toussaint pour publier ses thèses ? Nous ne le savons pas, il ne s’est jamais lui-même exprimé à ce sujet, mais c’est tout à fait plausible et cela correspondrait tout à fait à l’esprit de la fête.

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