Christianisme et culture païenne, Histoire de l'Eglise romaine

Apollinaire de Laodicée : des ouvrages bibliques écrits sur le modèle des textes classiques

Pendant le règne de l’Empereur Julien, qui a exclu les chrétiens de l’enseignement supérieur fondé sur la littérature classique, deux auteurs chrétiens, un père et son fils, ont réagi en écrivant des épopées, tragédies, poésies lyriques et autres œuvres inspirées de la Bible, afin de remplacer les chefs d’œuvre des siècles passés.

Apollinaire père et fils

Apollinaire était un grammairien et rhéteur du 4° Siècle. Originaire d’Alexandrie, il enseignait les lettres et la grammaire à Béryte (l’actuelle Beyrouth), puis à Laodicée de Syrie (l’actuelle Lattaquié). Il était aussi prêtre dans l’Eglise de Laodicée. Son fils, qui s’appelait également Apollinaire, est devenu évêque de Laodicée en 361, peu avant la mort de l’Empereur Constance II. Pour distinguer le père et le fils, on les appelle généralement Apollinaire l’Ancien et Apollinaire le Jeune.

Bien que chrétiens, les deux Apollinaire étaient passionnés par la littérature classique. Leur goût des belles lettres leur a valu des problèmes dans l’Eglise. Un jour, alors que le père et le fils étaient en visite chez un poète païen, ils ont applaudi à sa lecture d’un hymne en l’honneur de Bacchus. L’évêque Théodote, jugeant ce comportement incompatible avec leurs fonctions ecclésiales, les a suspendus temporairement.

En même temps, à une époque où l’hérésie arienne semblait triomphante, les deux Apollinaire ont toujours fermement défendu l’orthodoxie nicéenne. Après la mort de son père, Apollinaire le jeune a développé sa propre hérésie, qui, en réaction à l’arianisme, affirmait que Jésus, étant pleinement Dieu, avait seulement pris un corps humain, mais que son âme demeurait uniquement divine.

Les chrétiens exclus de l’éducation

Monnaie à l’effigie de l’Empereur Julien

En 361, l’Empereur Constance meurt et son cousin Julien lui succède. Le nouvel Empereur est païen et cherche à éradiquer l’influence chrétienne dans l’Empire. En 362, il interdit aux chrétiens d’enseigner la grammaire et la rhétorique, en argumentant que ceux qui ne croient pas en les dieux vénérés par les auteurs classiques n’ont pas à enseigner les œuvres inspirées par ces dieux : « Est-ce qu’Homère, Hésiode, Démosthène, Hérodote, Thucydide, Isocrate et Lysias ne reconnaissaient pas les dieux pour auteurs de toute science ? Ne se croyaient-ils pas consacrés les uns à Mercure, les autres aux Muses ? Je trouve donc absurde que ceux qui expliquent leurs ouvrages rejettent les dieux qu’ils ont adorés. » (Lettre XLII) Il s’agit, pour lui, d’exclure les chrétiens des études supérieures.

Pour contourner cette interdiction et permettre aux chrétiens de continuer à étudier la langue grecque sous sa forme la plus pure, les deux Apollinaire ont entrepris d’écrire ensemble une collection d’ouvrages d’inspiration biblique, dans le même genre littéraire que les auteurs classiques. Ils ont écrit notamment une épopée en 24 chants, sur le modèle des épopées d’Homère, reprenant l’histoire de l’Ancien Testament, jusqu’au règne de Saül ; une paraphrase des Psaumes en vers hexamètres ; des adaptations des quatre Evangiles, à la manière des dialogues de Platon ; une tragédie racontant la passion de Christ ; ainsi que d’autres tragédies, des comédies et des poésies lyriques inspirées de divers récits bibliques. Ils ont écrit aussi une réfutation, en 30 livres, de Contre les Galiléens, l’ouvrage critique du christianisme publié par l’Empereur Julien.

Après la mort de l’Empereur Julien, en 363, ses successeurs rétabliront le christianisme dans l’Empire. L’œuvre des deux Apollinaire n’a pas été conservée, certainement parce qu’elle n’avait plus de raison d’être une fois que les chrétiens avaient de nouveau accès à la littérature classique.

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